Le nouveau Temple de Salomon ou Description historique de l’église paroissiale de St Sulpice dans ses cinq fondations, Archives de Saint-Sulpice – Paris, ms 98, Paris : 1771, 614 p.

 

Simonnet et Simon de Doncourt : deux sources majeures pour l’histoire médiévale et moderne de la paroisse Saint-Sulpice

Le nouveau Temple de Salomon ou Description historique de l’église paroissiale de St Sulpice dans ses cinq fondations est le titre du manuscrit n° 98 conservé aux Archives de Saint-Sulpice à Paris.

Daté de 1771, il a été composé par Jacques Vincent Simonnet, paroissien de Saint-Sulpice et « greffier commis des dépôts au Parlement de Paris ».

Simonnet y retrace l’histoire de la paroisse, de son église, de ses curés et de ses prêtres. Il évoque aussi les patronages, les confréries ainsi que les écoles qui y ont été fondés jusqu’alors.

Cet ouvrage renferme une description minutieuse et détaillée de l’église Saint-Sulpice élargissant même la description à l’ensemble du territoire paroissial, dont les bornes recouvraient plusieurs paroisses actuelles du VIème et du VIIème arrondissement de Paris, paroisses qui seront érigées ultérieurement. On sent aisément en parcourant le manuscrit qu’il est le fait d’un paroissien zélé, soucieux de transmettre l’histoire de son église. Mais malgré le souci de l’exactitude qui caractérise l'auteur, force est de constater que plusieurs petites erreurs viennent se glisser dans le récit. Il sera donc nécessaire de compléter les informations précieuses transmises par Monsieur Simonnet avec les travaux de l’abbé Simon de Doncourt qui publiera 2 ans plus tard ses Remarques historiques sur l'église et la paroisse de S. Sulpice parues chez Crapart en 1773.

Les deux ouvrages rassemblés constituent une base essentielle pour retracer l’histoire de l’église paroissiale de l’ancien faubourg Saint Germain. Ces deux documents sont d’autant plus essentiels que l’on connaît le sort réservé aux archives paroissiales qui étaient conservées dans les fabriques au moment de la Révolution…

 

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Un projet éditorial avorté

Cette initiative singulière de la part d’un paroissien avait probablement une visée éditoriale à en croire le soin avec lequel se présente le manuscrit. Le volume s’organise en deux tomes et bien que le 3ème tome soit annoncé, il semble ne jamais avoir vu le jour.

L’hypothèse du projet éditorial est corroborée par le choix du titre principal : Le nouveau Temple de Salomon, où l’auteur du manuscrit cherche à faire l’éloge de Louis XV, roi régnant qu’il compare à Salomon, bâtisseur du premier Temple de Jérusalem. L’auteur cherche à s’attirer les bonnes grâces du Souverain en faveur de l’église paroissiale dont les tours monumentales que nous connaissons aujourd’hui, sont en cours de construction au moment où Simonnet prend la plume (1771).

 

Simonnet, un parlementaire gallican mais pas janséniste !

Il est intéressant de noter que l’auteur, bien qu’étant attaché par ses fonctions au Parlement de Paris, semble ne pas en avoir adopté les tendances jansénistes, très répandues parmi les parlementaires parisiens au XVIIIème siècle. Nous le voyons en page 313 lorsque Simonnet relate le soutien de Jean-Jacques Olier à Monsieur Charles Picoté, vicaire de la paroisse, qui s’opposa à Roger du Plessis, duc de Liancourt, auquel le vicaire refusa l’absolution à cause de ses sympathies avec les jansénistes. Cet évènement eut lieu en 1655.

Simonnet raconte ensuite comment le curé sulpicien Monsieur Languet de Gergy mit hors de son église une « convulsionnaire » en 1734. Ainsi désignait-on les jansénistes qui protestaient contre la bulle papale Unigenitus qui, rappelons-le, condamnait les positions de Port-Royal au sujet de la grâce. Ce mouvement de contestation populaire prenait la forme d’une mise en scène plutôt scabreuse, pour ne pas dire indécente, dans le but de déclencher une réaction de persécution de la part des autorités civiles. Ces manifestations de plus en plus nombreuses n’ont fait que s’accroître dans la capitale créant un réel trouble à l’ordre public .

L’on connaît aussi les accointances des Parlements, comme lieux de contre-pouvoir, avec les idées de Port-Royal. C’est pourquoi il est étonnant de constater cette liberté d’opinion chez Simonnet qui semble se démarquer du Parlement de Paris par l'adhésion qu’il manifeste en faveur de la doctrine catholique officielle.

Le peu de sympathie qu’il exprime cependant à l’endroit des « soy disans jesuites » qui sont pourtant le fer de lance de l’ultramontanisme en France, révèle quant à lui le gallicanisme assumé de Simonnet comme on peut le voir en page 518 où il mentionne l’avis du Parlement de Paris émis à leur encontre le 11 août 1762, chargeant le curé de Saint-Sulpice  de veiller aux chapelles et mobilier liturgique de leur noviciat sis rue du Pot-de-Fer (aujourd’hui rue Bonaparte). Les Jésuites seront expulsés du Royaume de France l'année suivante.

 

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M. Zakaria HILAL, archiviste de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice (Paris)

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