Jean-Jacques Olier et les Écritures

La Bible de Monsieur Olier est bien connue des Prêtres de Saint-Sulpice qui ne manquent pas de l’exhiber à chacune de leurs assemblées générales. Par ce geste, devenu presque rituel, les sulpiciens s’inscrivent dans la tradition spirituelle de leur fondateur dont la dévotion envers les Saintes Écritures était bien connue au sein de la première communauté du Séminaire de Saint-Sulpice.

Jean-Jacques Olier avait voulu exprimer ce respect et cette vénération de la Parole de Dieu en faisant orner sa Bible avec magnificence. En se basant sur l’Esprit de Monsieur Olier que l’on doit à Louis Tronson (mss 1603, 1604, 1605), Étienne-Michel Faillon dira qu’il « plaçait toujours sa Bible dans un petit trône, qu’il avait fait disposer, à ce dessein, dans sa chambre ; et, soit qu’il y entrât ou qu’il en sortît, il adorait profondément l’esprit de Dieu résidant dans ce divin livre. »

Tout d’abord, celle-ci présente une reliure plein cuir en maroquin rouge à pleine composition de fers filigranés et dorés répartis sur l’ensemble des plats supérieur et inférieur. Ces dorures représentent une succession de cœurs et de petites flammes, encadrés au centre et aux extrémités par un triple filet doré.

Le dos présente, quant à lui, six nerfs, ornés d'une palette de motifs floraux stylisés avec des entrenerfs à décors filigranés encadrés d'un double filet doré souligné de triples points. Sur le dos figure le titre de cet imprimé : « BIBLIA SACRA » doré dans le 2ème entrenerf. En queue, on peut apercevoir une palette de motifs floraux stylisés, de même que sur les tranches de la reliure qui est très épaisse.

L’ensemble est orné de reliefs en argent ciselé placés aux quatre coins, figurant des séraphins à six ailes semblant contempler le Verbe de Dieu, représenté dans le médaillon central sous l’aspect d’un livre ouvert entouré de flammes ardentes (plat supérieur).

 

bible olier livre ouvertPlat supérieur

 

Sur le plat inférieur, on retrouve la même composition faite de séraphins aux quatre coins de la reliure. Ces derniers tournent leurs regards vers le Verbe de Dieu représenté ici sous la forme d’un agneau immolé, couché sur une croix et comme niché au cœur d’un soleil dardant de magnifiques rayons.

 

bible olier agneauPlat inférieur

 

Deux paires de banderoles en argent ciselé sont placées au-dessus et au-dessous des médaillons figurant le Verbe de Dieu. On peut y lire les inscriptions suivantes : « Adora et comede volumen istud » et « Par cultus et amor utrique » qui nous invitent à adorer le Verbe divin manifesté dans les Écritures et dans la Personne du Fils.

Les contreplats de la reliure sont tapissés de velours et de satin pourpres. 

L’ouvrage est agrémenté de fermoirs, dans le même métal, sur lesquels ont peut reconnaître le sigle à deux lettres entrelacées de l’Auspice Maria.

 

bible olier fermoirsFermoirs et séraphins

 

À noter que le choix des motifs commandités par Jean-Jacques Olier, notamment celui du cœur utilisé sur la reliure ou sur les fermoirs, indique un développement de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus et cela, avant même les apparitions de Paray-le-Monial à Marguerite-Marie Alacoque en 1673. L’on pourrait même dire que cette dévotion caractérise d’une certaine manière les courants de l’École française comme on a pu le voir avec saint Jean Eudes dès 1634 !

Parlons à présent du document. Il s’agit de l’édition romaine de la Bible, parue en 1592, dite Vulgate sixto-clémentine au format in-folio. Le prestige de cette édition considérée de nos jours comme un livre rare dit quelque chose de l’estime de Monsieur Olier pour la Parole. Son usage inscrit notre fondateur dans la ligne droite du Concile de Trente qui avait admis la nécessité d’établir une nouvelle version critique de la Vulgate de saint Jérôme. L’Église fait donc le choix de maintenir l’usage du latin à une époque où les Réformés n’hésitent plus à traduire le texte biblique en langues vernaculaires aidés en cela par l’essor de l’imprimerie.

 

bibleo olier page titrePage de titre
 

Confrontée à la montée de la Réforme protestante qui a favorisé la diffusion du texte biblique auprès d'un large public grâce aux traductions, l'Église catholique a voulu réaffirmer la doctrine selon laquelle la Parole de Dieu se transmet par l'Écriture en même temps que sur la Tradition. Elle convoque un concile à Trente (1545-1563) qui approuve l’authenticité de la Vulgate latine de saint Jérôme en 1546, qu’elle déclare fidèle aux textes originaux. Cependant, la Vulgate est aussi contestée par les humanistes de la Renaissance, ce qui pousse les pères conciliaires à proposer une révision du texte. Il faudra attendre l’année 1592 pour voir les travaux aboutir sous les auspices du pape Clément VIII. Parallèlement, la méfiance reste entière à l'égard des versions traduites en langues vulgaires suspectées d'ouvrir la voie aux doctrines hérétiques. C’est pourquoi la Vulgate sixto-clémentine peut être considérée comme l'un des instruments de la Réforme catholique.

La première édition de la Vulgate sixto-clémentine s'ouvre sur un magnifique frontispice orné de vignettes dépeignant des scènes tirées de la Genèse et de l'Exode, à travers les figures de Moïse et de David, puis des quatre évangélistes avec leurs attributs respectifs. Au centre, Clément VIII remet la Vulgate à l'Église avec la devise « Accipe et devora » (« Prends et mange ») signifiant que la Parole divine est nourriture.

 

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bibleolieragneau
bibleolierfermoirs
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M. Zakaria Hilal, archiviste de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice