Le domaine de la Reine Margot

 

reine margotLe Domaine de la Reine Margot qui occupe aujourd’hui l’enclos de l’ancienne Solitude ne constitue qu’une petite partie de la vaste propriété acquise par l’ancienne souveraine.


C’est en 1606 que Marguerite de Valois, première épouse du roi Henri IV, vient trouver refuge pour la première fois dans le village d’Issy alors qu’elle tente de fuir une épidémie de peste qui sévit à Paris. Le domaine appartenait alors à l’orfèvre du roi Jean de La Haye qui finit par lui céder sa demeure.


Une fois la vente conclue, La reine Marguerite décide d’y engager des travaux et d’agrandir son domaine en faisant également l’acquisition de l’ancien château d’Issy dont il ne subsiste plus qu’un pavillon d’entrée, occupé aujourd’hui par le musée français de la carte à jouer.


Le 14 mai 1610, alors que Marguerite de Valois s’apprête à inaugurer ces aménagements pour son 57ème anniversaire, elle reçoit la nouvelle du décès de son ex-époux, le roi Henri IV, assassiné à Paris, rue de la Ferronnerie.


Marguerite rejoint alors immédiatement au Louvre, la reine Marie de Médicis ainsi que le dauphin, futur roi Louis XIII, afin de les consoler de cette perte tragique. Quelques jours plus tard, Marguerite de Valois donnera une somptueuse réception en leur honneur dans son domaine rénové à Issy.


Après la mort de la Reine Margot (1615), la propriété est morcelée puis rachetée en 1618 par Michel Sarrus, conseiller au Parlement de Paris. Le domaine se réduit désormais à la maison principale, ses parterres et son parc.

gravure albert flaman demeure antoine de seveGravure de la demeure de l'abbé Antoine de Sève

 

En 1640, l’épouse de Michel Sarrus, devenue veuve, cèdera le domaine à son tour à un ecclésiastique connu sous le nom d’Antoine de Sève, aumônier du roi Louis XIII et abbé commendataire de Lisle-en-Barrois.


S’ouvre alors une période où se succèdent, dans la demeure de l’abbé, prélats et gens d’Église dont le jeune prêtre Jean-Jacques Olier qui fondera l’année suivante (1641) l’un des premiers séminaires de France pour la formation du clergé catholique.

 


L'arrivée des Sulpiciens


Le Séminaire que Jean-Jacques Olier fait construire en face de l’église Saint-Sulpice de Paris, dont il est devenu le curé en 1642, connaît un grand succès et attire de nombreux élèves.


Parmi les premiers élèves du Séminaire, on compte l’illustre Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers qui rachètera à Antoine de Sève le domaine d’Issy en 1655, avant de prendre lui-même la tête de la Compagnie de Saint Sulpice au décès de Monsieur Olier (1657).


Le domaine d’Issy est alors employé comme lieu de villégiature et de repos pour ces « Messieurs de Saint-Sulpice » et pour leurs séminaristes.


C’est ainsi que l’ancien domaine de la Reine Margot est devenu maison de campagne du Séminaire Saint-Sulpice de Paris et c’est dans une aile de cette demeure que sera accueillie, dans un premier temps, la Solitude dès 1676, après l’élection de Louis Tronson comme 3ème Supérieur général de la Compagnie. Ce dernier n’était autre que le neveu d’Antoine de Sève, ancien occupant des lieux.


Véritable institution sulpicienne, la Solitude ressemblait à un noviciat où l’on formait les futurs membres de Saint-Sulpice. Elle était vécue comme un temps de retraite spirituelle durant lequel les Solitaires se retiraient dans ce « séminaire intérieur » où l’on se préparait aux exigences de la formation sacerdotale et aux spécificités de la pédagogie sulpicienne en matière d’enseignement et de direction spirituelle.

demeure marguerite valois issyAncienne demeure de Marguerite de Valois, aujourd’hui détruite, devenue propriété de Saint-Sulpice en 1655 – photographie prise vers 1860

Le Séminaire Saint-Sulpice connaîtra un succès rapide dans la capitale et constituera un véritable modèle du genre pour de nombreux séminaires diocésains qui commencent à ouvrir partout dans le Royaume en s’en inspirant. Il n’est d’ailleurs pas rare que les évêques fassent appel aux Sulpiciens pour prendre la direction de ces séminaires de province.


L’actuel enclos de la Solitude, rebaptisé en 2019 « Domaine de la Reine Margot », correspond en réalité à une parcelle achetée par les Sulpiciens en 1715, donnant sur la rue de la Glaisière (aujourd’hui rue Minard). Les deux corps de logis qui s’y trouvaient jouxtaient les jardins de l’église saint Étienne, près de l’impasse du Cloquet, sur le point le plus haut de l’ancien village d’Issy.


Saint-Sulpice décide alors d’en affecter l’usage à la « Communauté des Philosophes » fondée plus tôt en 1687 au sein même du Séminaire de Paris, afin que ses membres puissent disposer d’une « maison de campagne ». Les « Théologiens » du Séminaire parisien utilisaient, quant à eux, l’ancienne demeure de Marguerite de Valois comme maison de repos pour leur congé hebdomadaire et estival.


Lorsque survient la Révolution, l’ensemble du domaine sulpicien est saisi puis divisé en 4 lots composés de l’ancienne demeure de Marguerite de Valois, le parterre et son bassin, l’ancien potager, puis enfin la chapelle de Lorette et son grand parc. Ces différentes parcelles sont vendues à des privés comme biens nationaux en 1792.


Jacques André Émery, Supérieur général de Saint-Sulpice, contemporain des troubles de la Révolution, parviendra plus tard à racheter, une à une, chacune de ces parcelles, à l’exception de l’ancienne maison de campagne des Philosophes dont le rachat sera effectué par son successeur en 1818.

 


La Solitude


C’est à ce moment-là que l’ancienne maison de campagne des Philosophes est réaffectée au noviciat des Solitaires car la grande demeure d’Issy doit accueillir une partie des élèves du Séminaire de Paris, rasé en 1803 pour permettre la construction de l’actuelle place Saint-Sulpice.


Dès le 21 novembre 1819, les nouveaux Solitaires y feront leur rentrée pour rejoindre les rangs de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice.

solitude annees 1820Lithographie de l’ancienne Solitude (1826) avant les travaux de 1842-1843


faillon 2En 1829, on agrémente les jardins de la Solitude avec une statue du fondateur Jean-Jacques Olier. On y installe également une statue qui représente la « Vierge des Solitaires » portant l'Enfant Jésus dans ses bras.


En 1842, Étienne-Michel Faillon [1799-1870], alors directeur de la Solitude, entreprend de lourds travaux qui donneront aux bâtiments, l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui.


Pour mener à bien son projet architectural, Monsieur Faillon décide de démolir l’un des deux corps de logis de la Solitude pour n’en conserver qu’un seul. Le bâtiment conservé servira de point de départ à son chantier de construction. Il en récupère les combles, qu’il réhausse pour en faire un étage d’habitation à part entière, le tout surplombé d’une nouvelle toiture. Dressant les plans du nouvel édifice, il décide de lui donner cette disposition en U que nous pouvons toujours admirer aujourd’hui.

carte postale solitude debut XX e siecleCarte postale du bâtiment actuel de la Solitude – début XXème siècle


En bon historien et amateur d’art, Monsieur Faillon conceptualise jusqu’au style néogothique de la chapelle des Solitaires dont il dessine et conçoit chacun des motifs et autres éléments architecturaux.


Les travaux, terminés l’année suivante, permettront aux nouveaux Solitaires d’y faire leur rentrée dès le 21 novembre 1843. La chapelle, aujourd’hui classée Monument Historique, ne sera achevée et inaugurée qu’un peu plus tard en juin 1846. C'est Monsieur Faillon qui en a été l’architecte et le contremaître.

vierge enfant chapelle solitude 2Abside de la Chapelle de la Solitude rénovée en 2022

Au début de 1871, la guerre franco-prussienne se solde par un échec militaire français qui aboutit à la chute du Second Empire. Le gouvernement provisoire d’Adolphe Thiers cherche à négocier avec la Prusse les conditions de sa reddition quand éclate l’insurrection de la Commune de Paris. Issy est occupée par les insurgés jusqu’en mai 1871, lorsque l’armée française repliée à Versailles parvient à reprendre aux Communards le village d’Issy. Le domaine des Sulpiciens qui se trouvait au centre de la zone d’affrontement ne s’en relèvera pas complètement. En effet, la chapelle de Lorette construite en 1680 est détruite tandis que l’ancienne demeure de Marguerite de Valois est à ce point ravagée qu’on décide de la démolir pour la reconstruire entièrement de 1878 à 1892.

seminaire saint sulpice automne 2Nouveau Séminaire Saint-Sulpice achevé en 1892
Seul le domaine de la Solitude échappe aux destructions. On n’y déplore guère que quelques trous percés par des obus au niveau des toitures. Les murs endommagés sont rebouchés au plâtre de Paris pour accueillir les nouveaux Solitaires de 1871. Les débris des bombes sont fondus pour en confectionner le socle d’une statue en l'honneur de la Vierge dite Notre-Dame des bombes.


De 1872 à 1874, on restaure les vitraux abîmés de la chapelle, la statue de Monsieur Olier, le trône de la Vierge des Solitaires, la Grotte-Abri qui devient un petit oratoire dédié à la Sainte Famille.


En 1895, une véranda ou marquise est installée dans la cour intérieure le long des 3 ailes pour mettre les Solitaires à l'abri par temps de pluie.


La Solitude qui a beaucoup pérégriné tout au long de son histoire, change d’affectation pour la dernière fois en 1971, pour devenir un foyer réservé aux sulpiciens retraités.


De nos jours, les Solitaires de la Province de France et de la Province du Canada sont envoyés à Oka, près de Montréal, pour effectuer leur Solitude.

detail statue notre dame solitairesLa Vierge des Solitaires rénovée en 2022


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M. Zakaria HILAL, archiviste de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice

 

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